Sans hésitation aucune, je décerne un coup de gueule mensuel à l’intention de la Commission européenne. Celle-ci veut, en effet, autoriser les vins rosés de « coupage » c’est-à-dire ceux qui sont élaborés à partir d’un vin blanc auquel on ajoute simplement 2 à 3 % de vin rouge. On obtient alors un vin à la couleur proche de celle du rosé, mais qui n’en a nullement les caractéristiques gustatives et olfactives. Le vin rosé produit selon les règles actuelles est un vrai produit de qualité dont les spécificités demandent un travail constant de la part des viticulteurs qui veulent absolument défendre leur travail et leur talent. Je les soutiens avec la plus grande énergie ! Rappelons quand même qu’un seul vin rosé de coupage est actuellement autorisé, et ce depuis des lustres : le Champagne.

Je vais vous parler d’une espèce qui n’est nullement (que du contraire) en voie de disparition : les sans-gêne. Je suis persuadé que vous en connaissez, vous aussi et que les évocations suivantes vont vous rappeler des bien tristes souvenirs et faire craindre des pires !


Les critiqueurs. Vous savez, ceux qui ne trouvent rien de bien. Les cuissons pas à leur goût. La température du vin. La table mal placée. Le plat raté. Les prix pratiqués… D’autant que ces outrecuidants personnages font « profiter » tout l’établissement de leur façon de penser.

Les réservations. Evoquons ceux qui arrivent à 21h30 au restaurant, sans avoir réservé, et s’étonnent qu’il n’y ait même pas une petite place. Pire : ceux qui ont réservé et puis qui, au dernier moment, décident de ne pas venir sans prévenir le restaurant. Frustrant pour le patron qui aurait pu faire occuper leur table au moins trois fois ! 

Les retardataires. Ceux-ci sont comme les précédents. Mais au lieu de venir à l’heure plus ou moins prévue se pointent avec une heure et demie (voire plus) de retard.

Les additions. Je vous l’ai déjà dit et redit : vérifiez (plutôt deux fois qu’une) vos additions, il y a souvent des erreurs (volontaires ou non, je ne trancherai pas) et très souvent dans le même (mauvais) sens. Nul n’est parfait, je vous répète : vérifier, c’est vite fait ! 


Ma correspondante Nicole (qui en connaît un sérieux bout en matière de gastronomie et de gourmandise) me signale l’incompétence, de plus en plus fréquente, du personnel de salle incapable de fournir des prestations de qualité. Bien d’accord avec elle, c’est une remarque que je formule très souvent. Il est quand même désolant de voir ainsi gâcher les moments de fête que sont un repas au restaurant par des personnes mal formées sans que cela tracasse apparemment les patrons. Ne nous laissons pas faire : réagissons. Il ne faut pas craindre de signaler des manquements dans le service ; cela peut et doit se faire dans l’intérêt général, sans pour cela pénaliser qui que ce soit.


Un moyen simple pour détecter, à coup sûr, si le pain servi est bien frais ou est un simple surgelé et réchauffé minute : vous le croquez simplement et fermement sous vos doigts. Si la croûte se fendille en mille morceaux : c’est du surgelé ! Ce qui ne diminue peut-être en rien la qualité.  


Un dimanche, une de mes connaissances a assisté à une scène assez ahurissante dans un restaurant du Pays de Herve. Des inspecteurs (hygiène, fisc, travail ?) sont entrés avec une certaine brusquerie pour se précipiter vers les cuisines afin d’y exercer des contrôles. Si ces visites sont nécessaires, voire indispensables pour la défense des droits de chacun, la façon dont cette « visite » s’est effectuée fut brutale et très mal perçue par les convives attablés. Le respect de la clientèle présente est quand même un élément essentiel que l’on ne peut ni ne doit ignorer ! Une aventure bien vraie (hélas !) dans l’air du temps où le je-m’en-foutisme ambiant s’installe partout.


Un vendredi midi, après un service bien rempli et idéalement achalandé comme on aime vivre, le second de cuisine, une grosse vingtaine d’années apparemment bien dans sa peau et son rôle, consulte le registre des réservations des jours à venir… Vendredi soir : complet ; samedi midi : bien rempli ; samedi soir : complet ; dimanche midi : complet ; dimanche soir : complet…

Il referme le livre avec un long soupir. « Dites chef, vous avez vu ? Tout est complet jusqu’à dimanche soir ! » Le chef acquiesce et marque sa satisfaction. Le second se lève lentement et dit sentencieusement : « on va souffrir, on va travailler. Trop, c’est trop. Chef, j’abandonne. Je rentre chez moi » Il met son manteau et sort. On ne le reverra plus. Quand je vous disais que le métier de restaurateur est un métier à haut risque !

Guy Delville
Chroniqueur Gastronomique